Lorsqu’un dirigeant commet une faute de gestion ou reste inactif face à une situation dommageable, les associés disposent d’un recours efficace : l’action ut singuli.
Ce mécanisme leur permet d’agir en justice dans l’intérêt de la société, même lorsqu’ils sont minoritaires.
En quoi consiste l’action ut singuli ?
L’action ut singuli permet à un ou plusieurs associés d’intenter une action en justice au nom et pour le compte de la société, lorsque ses dirigeants ne réagissent pas face à une faute de gestion ou une violation de la loi.
Elle vise à protéger l’intérêt social et non l’intérêt personnel de l’associé.
Elle ne doit pas être confondue avec l’action individuelle de l’associé, qui poursuit un but personnel.
Ainsi, l’action ut singuli ne permet pas, par exemple, d’annuler une assemblée générale simplement parce qu’un associé minoritaire y trouverait un intérêt propre.
Dans quels cas cette action peut-elle s’appliquer ?
L’action ut singuli peut être engagée dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de :
- abus de biens sociaux (par exemple, un prêt consenti sans autorisation à une société détenue par le dirigeant) ;
- faute de gestion ayant causé un préjudice financier à la société (par exemple, la signature d’un contrat manifestement désavantageux) ;
- violation des statuts ou des règles de gouvernance (par exemple, une augmentation de capital réalisée sans respecter les formalités prévues) ;
- conflit d’intérêts entre le dirigeant et la société ;
- défaut d’approbation d’une convention réglementée.
Qui peut être visé par cette action ?
L’action ut singuli peut être dirigée contre les dirigeants de droit de la société, c’est-à-dire les personnes inscrites sur le Kbis.
En revanche, elle ne peut pas être engagée contre un dirigeant de fait, un tiers à la société ou le liquidateur amiable.
Textes applicables : article L. 223-22 du Code de commerce, article L. 225-252 du Code de commerce, article 1843-5 du Code civil.
Quelle différence avec l’action ut universi ?
L’action ut universi est l’action sociale exercée par la société elle-même, par l’intermédiaire de ses représentants légaux, contre ses dirigeants.
Elle a le même objectif – sanctionner les fautes de gestion – mais elle émane de la société et non des associés.
Elle peut être engagée par les dirigeants en fonction contre d’autres dirigeants, ou par les nouveaux dirigeants contre les anciens.
L’action ut singuli, au contraire, est autonome.
Elle n’est pas subsidiaire à l’action ut universi et constitue un droit propre des associés (Cass. com., 7 mai 2025, n° 23-15.931).
Qui peut exercer cette action ?
Seuls les associés de la société peuvent exercer une action ut singuli.
La qualité d’associé s’apprécie au jour de l’introduction de l’instance.
La perte de cette qualité en cours de procédure n’affecte pas la poursuite de l’action (Cass. com., 18 juin 2025, n° 22-16.781).
Les associés de la société mère ne peuvent pas utiliser ce mécanisme pour engager la responsabilité d’un dirigeant de filiale.
De même, les membres d’une association ne peuvent agir contre le président qu’à condition que les statuts le prévoient (Cass. com., 20 juin 2024, n° 23-10.571).
Quelle preuve doit être rapportée ?
L’associé qui agit doit démontrer :
- une faute du dirigeant,
- un préjudice subi par la société,
- un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
Quelle est la portée de l’action ut singuli ?
L’action ut singuli a pour objet la réparation du préjudice subi par la société.
Les dommages et intérêts sont alloués à la société, non aux associés demandeurs.
En cas d’échec de la procédure, l’associé supporte seul les conséquences de son action et peut être condamné au paiement de sommes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ou pour procédure abusive.
Dans certaines situations, il est également possible d’obtenir l’annulation d’actes accomplis fautivement (par exemple, la cession d’un actif à un prix manifestement sous-évalué).
Conclusion
L’action ut singuli constitue un outil essentiel de protection de l’intérêt social.
Elle offre aux associés, y compris minoritaires, la possibilité d’agir lorsque les dirigeants manquent à leurs obligations ou se rendent coupables de fautes de gestion.
Ce mécanisme contribue à une gouvernance plus transparente et à une meilleure responsabilité des dirigeants.
Le Cabinet SJG AVOCAT accompagne les associés dans l’analyse de leur situation et dans la mise en œuvre de cette action en justice.


